Autrice : Fanny Piat.
L’évaluation fait partie intégrante du parcours d’apprentissage d’un apprenant. Il existe différentes manières d’évaluer l’apprentissage des élèves, en fonction :
(Genesee et Upshur 1998, 6). L’objectif de l’évaluation est l’aspect le plus important car tous les autres en dépendent.
L’évaluation peut être formative ou sommative. Lorsqu’elle est formative, l’évaluation facilite l’apprentissage en identifiant les forces et les faiblesses des apprenants et, grâce à une rétroaction (communément appelée « feedback »), et ainsi leur permet d’améliorer leur travail. L’objectif de l’évaluation sommative est, quant à lui,
Dans un contexte d’évaluation formative, l’auto-évaluation est, selon Andrade (2019, 10), « (…) l’acte d’étudier ses méthodes et ses productions afin d’apporter des ajustements qui approfondissent l’apprentissage ». Même démarche dans la co-évaluation, ou évaluation par les pairs, qui implique alors que les apprenants étudient les processus et les productions de leurs pairs. En d’autres termes, au lieu d’attendre l’intervention de l’enseignant, l’auto- et la co-évaluation donnent la possibilité aux apprenants de prendre le contrôle de leur apprentissage.
L’aspect le plus important de l’auto- et la co-évaluation est que les apprenants comprennent d’une part les objectifs d’apprentissage, d’autre part les critères d’évaluation (Deakin-Crick et al. 2005, 3). Ils aideront l’apprenant à combler l’écart entre ses résultats actuels et les résultats visés. Il est d’ailleurs recommandé de commencer par la co-évaluation avant l’auto-évaluation car il est plus facile pour un étudiant de réfléchir à la performance d’un autre et de la noter. En effet, réfléchir à son propre travail a un impact émotionnel qui rend l’auto-évaluation plus difficile.
Le CECRL (Cadre Européen Commun de Référence pour les Langues, Conseil de l’Europe) souligne que l’auto-évaluation aide les apprenants à reconnaître leurs points forts et leurs points faibles et, par conséquent, à orienter leur apprentissage en conséquence.
Imaginons deux apprenants en classe de FLE, l’un exposé à l’auto-évaluation et la co-évaluation et l’autre novice. L’apprenant qui est exposé à l’auto-évaluation et la co-évaluation est conscient de la progression de son apprentissage. Si cet apprenant obtient une mauvaise note, il n’en sera pas trop surpris. Il lui sera également plus facile de prendre ses responsabilités, plutôt que de rejeter la faute sur l’enseignant.
À l’inverse, on peut imaginer que l’apprenant qui n’est pas exposé à l’auto-évaluation et la co-évaluation n’est pas conscient de la progression de son apprentissage. Ainsi, il ne prend pas conscience de ses forces et de ses limites, et peut vivre l’évaluation par l’enseignant comme un choc, ce qui détériorerait leur relation de confiance. En bref, la prise de conscience du parcours d’apprentissage est donc bénéfique : même sans l’enseignant, l’apprenant connaît les étapes de son parcours d’apprentissage.
Le CECRL met également en avant la motivation de l’apprenant pour l’apprentissage. En incluant l’apprenant dans son auto-évaluation, son attitude envers l’apprentissage peut évoluer. Il devient directement responsable de ses progrès, ce qui se traduit par une plus grande motivation intrinsèque pour l’apprentissage (Harris et McCann 1994, 3). Ceci s’applique également à la co-évaluation.
Pour mettre en œuvre ces types d’évaluation alternatives, il convient de se concentrer sur deux points essentiels : les critères de réussite et la rétroaction.
Si de prime abord, nous pouvons penser qu’il y a un biais dans l’auto- et la co-évaluation, par exemple en favorisant les amis et en se surévaluant, il convient de nuancer cette idée. Ainsi Hasselgreen (2003) a démontré que les jeunes apprenants impliqués dans l’auto-évaluation étaient critiques dans leurs évaluations et n’avaient pas tendance à s’évaluer positivement. Et surtout, on peut éviter le biais potentiel lié à l’évaluation par les pairs en utilisant systématiquement des critères d’évaluation.
Les critères de réussite servent de lignes directrices permettant d’atteindre l’objectif d’apprentissage (Deakin-Crick et al. 2005, 3). Ils sont donc un aspect essentiel du processus d’auto- et de co-évaluation : ils indiquent un écart existant entre la production réelle et la production ciblée.
Bien qu’elle semble simple, la formulation de critères de réussite peut être très difficile, surtout pour de jeunes apprenants. Selon Harris (1997, 13-14), le format “Je peux” présente de nombreux points positifs :
Lors de l’élaboration des critères, l’enseignant doit veiller à l’utilisation d’un langage adapté aux apprenants. En effet, la formulation de critères représente parfois un vrai défi, surtout chez les plus jeunes apprenants. Les critères peuvent être trop complexes, trop abstraits, trop longs ou trop généraux, pour ne citer que quelques problèmes. Par exemple, il est recommandé d’utiliser « Je peux dire bonjour/au revoir. » au lieu de « Je peux utiliser les salutations. ».
De même, on peut utiliser des images à la place de certains mots pour donner accès au sens à des non-lecteurs. Les apprenants tels jeunes enfants, débutants complets, etc. peuvent ensuite s’auto-évaluer ou être évalués par leurs pairs à l’aide
En outre, pour des élèves débutants, l’enseignant peut exprimer les critères dans leur langue (L1 ou langue en commun), et ce, quel que soit leur âge. (Kouzouli 2012, 154).
La rétroaction, ou « feedback », est tout aussi importante que les critères de réussite. Elle suggère une prise de conscience et la mise en œuvre d’actions en vue d’améliorer la production réelle vers la production ciblée (Black et al. 2004, 16). Nous devons également garder à l’esprit que les commentaires des pairs « sont disponibles en plus grand nombre et de manière plus immédiate que la rétroaction de l’enseignant. Un pair évaluateur moins compétent en matière d’évaluation mais disposant de plus de temps pour le faire peut produire une évaluation d’une fiabilité et d’une validité égales à celle d’un enseignant » (Topping 2019, 2).
Dans le même ordre d’idées, on observe que les apprenants sont souvent plus ouverts à l’idée de discuter avec leurs pairs qu’avec l’enseignant car ils partagent le même langage (Deakin-Crick et al. 2005, 3). Par ailleurs, il est essentiel de laisser aux apprenants un certain temps pour apprendre à développer une rétroaction équilibrée, axée sur les points faibles et les points forts, sans préjugés quant à l’influence personnelle et visant spécifiquement les résultats d’apprentissage.
Le rôle de l’enseignant est essentiel dans l’intégration de l’auto- et la co-évaluation, surtout chez de jeunes apprenants, qui préfèrent souvent l’évaluation de l’enseignant. Cependant, il ne faut pas oublier que l’auto-évaluation est parfois perçue comme une activité destinée aux adultes, ce qui peut favoriser leur motivation.
Quoi qu’il en soit, pour obtenir des évaluations valides et fiables, il paraît essentiel d’établir des critères adaptés à la fois à l’âge et au niveau de nos apprenants. Pas toujours une mince affaire avec les plus jeunes ! Les critères peuvent être trop généraux ou trop abstraits pour la compréhension d’un enfant et pour cette raison, l’enseignant joue un rôle crucial en reliant l’auto-évaluation à des exemples concrets. Cela aidera l’enfant à mieux comprendre les critères.
Comme nous l’avons évoqué, l’objectif principal de l’auto-évaluation et de l’évaluation par les pairs est d’impliquer nos apprenants dans leur apprentissage et ainsi de renforcer leur autonomie. Si on les combine à l’évaluation par l’enseignant, on peut ainsi obtenir de meilleures informations sur les performances de nos apprenants.
Tant les enseignants que les apprenants doivent avoir la possibilité de s’exercer afin de s’améliorer progressivement. Pour développer l’autonomie de l’apprenant, l’auto-évaluation et l’évaluation par les pairs doivent être un effort continu pratiqué régulièrement. Cela peut prendre un certain temps, car il faut d’abord élaborer des critères d’évaluation avant de pratiquer l’évaluation elle-même.
Par ailleurs, les moments dédiés à la rétroaction doivent être pris en compte dans la planification des leçons, sachant que plus les apprenants sont expérimentés, plus ils seront rapides.
Alors, prêts à utiliser l’auto-évaluation et l’auto-évaluation dans vos classes ?
Comment faire concrètement pour définir des critères de la grille dans une classe ?
On peut explorer de nombreuses options en fonction des contextes d’apprentissages comme faire travailler différents groupes sur une grille puis mettre en commun ou bien faire travailler la classe sur un document collaboratif à distance. Il est aussi tout à fait possible de différencier les grilles d’évaluation en fonction du niveau de nos apprenants. Ce travail d’élaboration des critères peut également se faire en classe inversée. On demandera alors à nos apprenants de réfléchir aux critères en autonomie avant de réaliser la tâche en présentiel.
Combien de temps consacrer à la mise en place de critères avec la classe?
La mise en place des critères dépend de l’expérience de vos apprenants. Plus ils seront habitués à cet exercice, plus la phase d’élaboration des critères sera brève. Au début, on peut les aider en leur fournissant une checklist pour la tâche qui leur servira de point de départ à la création de la grille. Cela peut prendre entre dix et vingt minutes. Pour gagner du temps, on peut aussi les faire réfléchir à la maison ou bien créer en début d’année des grilles-types qui seront réutilisables. Par exemple, une grille pour la production orale en interaction, un autre pour la production écrite etc…
L’auto-évaluation est également possible dans le cas d’une évaluation sommative, si les critères sont bien définis, non?
Tout à fait. L’auto-évaluation est possible en tant qu’évaluation formative ou sommative. A vous de choisir si vous préférez utiliser des points, des smileys ou encore des étoiles. Dans tous les cas de figures, une rétroaction détaillée de l’enseignant devra suivre le processus d’auto-évaluation.
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Butler, Yoko Goto. “Self-assessment of and for young learners’ foreign language learning.” In Assessing young learners of English: Global and local perspectives, edited by Marianne Nikolov, 291–315 (Heidelberg, Germany: Springer, 2016).
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Genesee, Fred, and Upshur, John A. 1998. Classroom-based Evaluation in Second Language Education. 3rd Printing. Cambridge: Cambridge University Press.
Hasselgreen, A. (2003). Bergen ‘Can Do’ project. Strasbourg: Council of Europe.
Kouzouli, Sophia. “Investigating Portfolio Assessment with Learners of the 3rd Grade in a Greek State Primary School.” Research Papers in Language Teaching and Learning, Vol. 3, No. 1 (2012): 146–164. http://rpltl.eap.gr/images/2012/03-01-146-Kouzouli.pdf
Topping, Keith J. 2019. Using Peer Assessment to inspire reflection and learning. New York & London: Routledge, Taylor and Francis Group.
Tsagari, Dina, Karin Vogt, Veronika Froehlich, Ildikó Csépes, Adrienn Fekete, Anthony Green, Liz Hamp-Lyons, Nicos Sifakis, and Kordia, Stefania. Handbook of Assessment for Language Teachers. Erasmus+ & Teachers’ Assessment Literacy Enhancement. 2018. https://taleproject.eu/pluginfile.php/2129/mod_page/content/12/TALE%20Handbook%20-%20colour.pdf