C’est ce que pense la plupart des enseignants et des apprenants de FLE. La correction phonétique a (très) mauvaise réputation. C’est une discipline aride et plutôt technique ; elle exige de gros efforts et une grande concentration; elle donne rarement de bons résultats ; c’est une puissante source de démotivation pour le prof (qui n’obtient aucun progrès et peut perdre la face) comme pour l’élève (qui répète des mots et phrases sans intérêt et ne constate aucune amélioration de son accent -rythme, intonation incontrôlables- comme de sa prononciation -sons de la L2 impossibles à produire-).
Aussi, grande est la tentation de délaisser cette matière rébarbative au profit d’autres activités mieux maîtrisées et balisées : grammaire, vocabulaire, culture…
1960 marque les débuts officiels du français langue étrangère avec la parution de Voix et Images de France (VIF), la 1ère méthode structuro-globale audio-visuelle (SGAV) élaborée par Paul Rivenc et Petar Guberina. Deux autres méthodes mythiques SGAV suivront pour le fle: De vive voix ( 1972) et Archipel (1983).
Deux méthodes de correction phonétique se disputent/partagent alors le terrain du FLE :
Nous venons d’exprimer notre méfiance (c’est une litote) envers la phonétique corrective, que nous soyions prof ou étudiant. Et on nous propose de découvrir une méthode avec un nom à coucher dehors !
Faisons confiance, en FLE nous sommes adultes et responsables. Si ça a un nom pareil, il y a bien une explication.
Effectivement, il faut nous transporter en Yougoslavie dans les années suivant la Deuxième Guerre mondiale. Le Professeur Guberina, directeur du Laboratoire de Phonétique de l’université de Zagreb, y enseigne également le français. Les autorités yougoslaves lui demandent de trouver des moyens afin de venir en aide aux « durs d’oreille », beaucoup de gens ayant des difficultés auditives dues aux bombardements.
Pendant des années, Guberina et son équipe font passer des tests à des cohortes de personnes : les durs d’oreille comme les étudiants de français. Et Gubérina fait une constatation capitale : il observe que les malentendants ayant des restes auditifs sont sensibles aux variations de tonalité (on dit aujourd’hui : de hauteur). Il en va de même avec les étudiants de français : leur oreille réagit également positivement à ces changements de hauteur. Guberina en conclut que ses étudiants sont phonologiquement sourds aux sons d’une langue étrangère et se comportent comme des durs d’oreille. Tous ses travaux se déroulent en croisant les données issues de ces deux types de publics.
Il élabore une audiométrie consistant en une « rééducation de l’oreille » (en réalité du cerveau) fondée sur
Vous devez reconnaitre que verbo-tonal n’est pas si terrible que ça quand vous en connaissez l’origine. Maintenant, pourquoi parler d’intégration phonétique ? Parce que l’action de la méthode verbo-tonale ne se limite pas à la sphère auditive et articulatoire. L’action remédiatrice s’exerce sur l’individu dans son ensemble.
Une question se pose. Les problèmes d’ordre phonétique auxquels se trouve confrontée la majorité des apprenants de fle sont-ils dus à des facteurs
Les recherches des dernières années fournissent un élément de réponse. Le cerveau manipule trois représentations dans la production et la perception de la parole :
Ce qu’il faut bien comprendre, c’est que le cerveau passe d’une représentation à l’autre en contiguïté temporelle étant donné la vitesse de traitement des différentes opérations. Ainsi, une représentation acoustique peut déclencher le geste articulatoire correspondant. Et si cette représentation acoustique est mal perçue en raison de la surdité phonologique du sujet, le geste articulatoire produit est également mal ciblé. Inversement, l’élève produit un geste articulatoire possible dans la langue cible mais sa surdité fonctionnelle lui fait entendre un son inadéquat.
Bref, sans guidance par un humain -certainement pas par une machine- l’apprenant est condamné à fonctionner dans ce cercle vicieux dont il lui est très difficile de se dépêtrer.
L’univers sonore de la langue maternelle, ou des langues auxquelles le sujet est accoutumé dès sa plus tendre enfance dans une situation de multilinguisme, est tout à fait familier. Et ne présente guère de surprise. Le sujet peut percevoir des différences dans la façon de parler des gens appartenant à sa communauté culturelle : c’est notamment le fait des accents régionaux. Et c’est un phénomène naturel dû à l’omniprésente variation : la Belgique et la Suisse francophone comptent également plusieurs variétés d’accents selon les régions. Mais cela ne pose guère de problème d’intercompréhension phonétique en principe. Les régionalismes lexicaux sont à cet égard bien plus piégeux.
Lorsqu’un individu se meut dans l’univers sonore d’une langue étrangère (L2, L3) qu’il ne maîtrise pas ou insuffisamment, tous ses repères sont chamboulés. Ce nouveau paysage sonore lui est inconnu. Son système auditif est en permanence trompé. Car l’oreille humaine est un fort piètre détecteur acoustique, très vite piégé par les changements inhabituels de fréquence, de durée et d’intensité. La surdité phonologique joue à plein. Et l’accent étranger se manifeste avec plus ou moins de force.
Les limites de l’article ne m’autorisent pas de développement conséquent. Je me bornerai à esquisser quelques traits saillants et renverrai à des sites présentant une abondante illustration audio-visuelle commentée de la MVT en action (cf. sitographie). Chacun pourra ainsi juger sur pièces.
La MVT
Le phonéticien didacticien doit tenir compte de deux axes en interaction
Vous l’aurez compris, la méthode verbo-tonale est une méthode polysensorielle sollicitant
Cette méthode a été violemment dénigrée dans les années 80 à une époque où la phonétique, la grammaire inductive, la linguistique structurale étaient jetées au bûcher par les nouveaux didacticiens/tologues. Elle a été réhabilitée au début des années 90 et jouit depuis d’un réel succès d’estime. On lit d’ordinaire que la MVT est une méthode sérieuse donnant de bons résultats. MAIS… Les formateurs capables de former réellement des enseignants de français aptes à utiliser la MVT sur le terrain se comptent désormais sur les doigts des deux mains. Les enseignants universitaires capables de gloser sur la MVT sont beaucoup plus nombreux. Consultez les nombreuses vidéos disponibles sur les trois ressources de la sitographie afin de vous convaincre de par vous-même de l’efficience de la méthode.
Michel Billières Blog Au son du fle